20/09/10
Les manifestations de Maputo, début septembre, font craindre une contagion régionale, comme en 2008. Entre sécheresse et flambée des prix, le risque d’explosion est réel.
Pierres contre balles réelles, les 1er et 2 septembre, à Maputo. Dans la capitale mozambicaine, les manifestations contre la vie chère ont tourné au drame (13 morts) et ont cruellement rappelé la crise alimentaire mondiale de 2008 : de Dakar à Douala, les populations avaient battu le pavé pour protester contre la flambée des prix sur les marchés. Deux ans plus tard, la sécheresse dans le bassin de la mer Noire, zone céréalière par excellence, donne de nouvelles sueurs froides.
L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture ture se veut pourtant rassurante : « Il n’y a aucune raison de craindre la flambée des prix de 2007 et 2008 », selon l’institution, qui rappelle que le prix du pétrole – nécessaire à l’acheminement des denrées – ne crève pas le plafond et que les stocks de céréales culminent à 527 millions de tonnes, leur plus haut niveau depuis huit ans. Sans compter que, en dépit du gel des exportations de blé décrété par la Russie (troisième producteur mondial) et des inondations au Pakistan, la campagne 2010-2011 promet d’être excellente.
Pouvoir d’achat
Aussi optimistes soient-elles, ces prévisions ne suffisent pas à rassurer les pays africains, qui importent 85 % des denrées alimentaires. « Quels que soient les cours mondiaux, nous subissons la crise », ironise Momar Ndao, de l’Association des consommateurs du Sénégal : « Les commerçants ont bien compris comment faire du profit. Ils stockent les marchandises pour faire monter les prix. » En Côte d’Ivoire, la baisse de la TVA sur l’importation des produits de première nécessité – mesure décidée après les émeutes de 2008 – n’a rien changé. « Le sac de blé est passé de 19 000 à 8 500 F CFA [13 euros], mais la baguette de pain est toujours à 150 F », s’indigne Doukoua Godé, président de la Fédération des associations de consommateurs, en soulignant que le seul vrai problème c’est la baisse du pouvoir d’achat.
La situation est bien plus complexe dans les villages et montre les faiblesses des politiques agricoles : méthodes de production surannées, cultures vivrières abandonnées au profit de cultures de rente, tout cela ajouté aux aléas climatiques… « Malgré tout, il est possible de devenir autosuffisants », s’enthousiasme Lamissa Diakité, chercheur à l’Institut d’économie rurale du Mali, devant l’expérience conduite dans son pays. En trois ans, l’amélioration des méthodes agricoles a permis d’envisager pour 2010 une récolte de 7 millions de tonnes, bien supérieure à celle de 2007 et « suffisante pour couvrir les besoins du pays ».
Mécontentement
Du 20 au 22 septembre, à cinq ans de l’échéance des Objectifs du millénaire, un sommet de l’ONU réunissant chefs d’État et de gouvernement se tiendra à New York. « Peut-être qu’ils en profiteront pour bien analyser ce qui s’est passé au Mozambique et réfléchiront aux répercussions que cela peut avoir sur tout le continent », espère Moustapha Kadi, coordinateur du programme de gestion de la crise alimentaire de 2010 au Niger. Selon lui, le mécontentement est réel, et il y a un vrai risque d’explosion sociale. Car, « comme dit le proverbe, ventre affamé n’a point d’oreilles ».
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