lundi 27 septembre 2010

Eva Joly veut une régulation rapide des marchés de matières premières

EurActiv.fr  |  22.09.2010  |  Agriculture et environnement

A Paris, l'eurodéputée Europe Ecologie a fustigé les opérateurs qui jouent «au casino» avec les prix des denrées agricoles.



Eva Joly est en guerre. En guerre contre les spéculateurs sur les marchés agricoles. A Paris, lundi 20 septembre, la présidente (Europe Ecologie -Verts ALE) de la commission Développement au Parlement européen a fustigé les opérateurs qui «jouent au casino» en pesant sur les prix des denrées alimentaires.
Accompagnée du rapporteur de l’ONU pour le droit à l’alimentation, Olivier De Schutter, elle a dressé un tableau assez noir du contexte actuel. «Depuis des années, nous avons incité les pays en voie de développement à abandonner leur agriculture vivrière pour une agriculture intensive destinée à l’export, comme le tabac. Ils sont devenus très dépendants de l’importation. Or, aujourd’hui, ils importent au prix fort et ne parviennent plus à exporter», a expliqué l’eurodéputée.
L’expert onusien explique pour sa part que les prix des denrées alimentaires ont pratiquement doublé entre 2005 et 2008. «Les variations se sont amplifiées après que les fonds d’investissement se sont tournés vers les marchés de matières premières agricoles», a expliqué M. De Schutter.
Progrès américains
En réalité, la bulle spéculative a commencé à naître au début des années 2000. A cette époque, des opérateurs investissent dans les denrées alimentaires comme ils le feraient sur tout autre produit. Résultat: l’écart entre les marchés physiques, ou s’échangent réellement le blé et le maïs, et les marchés secondaires, où les opérateurs négocient des contrats à terme, se creuse considérablement. En 2007-2008, on observe ainsi plus de 80 fois plus d’activités spéculatives, en comparaison des stocks qui s’échangent sur le marché physique.
Pour Olivier De Schutter, les Etats-Unis sont néanmoins en passe de freiner ce phénomène. «Grâce à une loi qui vient d'être adoptée, une commission de contrôle déterminera bientôt le nombre maximum de contrats qui peut être conclu par chaque opérateur sur les marchés secondaires», a poursuivi l’expert.
La France a décrété que la lutte contre la volatilité des prix sur les marchés de matières premières constituerait une priorité de sa prochaine présidence du G20. L’Europe, de son côté, en est encore au stade de la réflexion. Le 15 septembre, le commissaire européen en charge du Marché intérieur, Michel Barnier, a proposé de mettre en place des outils pour renforcer la transparence et les contrôles sur les marchés dérivés de matières premières.
« Nous n’avons rien compris de la dernière crise »
«Le fait que nous n’arrivons pas à réguler ces marchés est insupportable. Nous n’avons rien compris de la dernière crise», a déploré Eva Joly. «Nous pouvons réguler la spéculation si nous le voulons», a-t-elle poursuivi. Une volonté dont les 27 ne sont pas dotés, selon l’eurodéputée. Elle doute notamment de la capacité de Nicolas Sarkozy à mettre en adéquation ses paroles et ses actes.
Concrètement, concernant les matières premières agricoles, Eva Joly demande que les opérateurs ne puissent pas investir plus de 3% de leurs fonds propres lorsqu’ils prennent position sur les marchés dérivés. Elle demande aussi une plus grande transparence: «Nous aimerions savoir ce que [la banque d’investissement américaine] Merrill Lynch a gagné en spéculant sur le blé», a-t-elle ajouté.
Eva Joly a également profité de cette occasion pour demander la constitution d’un «Greenpeace de la finance», afin d’aider les parlementaires à répondre aux lobbies de l’industrie financière et de bénéficier d’une information équilibrée sur ces sujets très techniques. Une idée lancée par son collègue Pascal Canfin en juin.

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