15 septembre 2010
Cette conférence a été prononcée devant une session spéciale de l’Assemblée générale des Nations Unies à New York le 15 septembre 2010 [1].Au niveau mondial la réduction limitée du pourcentage de la population vivant avec moins de 1,25 dollars par jour résulte de l’évolution en Chine et en Inde [
L’humanité a les possibilités matérielles de garantir à chaque être humain le respect des droits humains fondamentaux bien au-delà des modestes Objectifs du Millénaire. Il est évident que ce n’est pas un manque de ressources qui constitue le problème.
II. L’explication qui prévaut dans les documents produits par les institutions comme
Les recommandations ou impositions de ces institutions découlent de plusieurs dogmes :
Le premier est relatif au financement du développement par l’endettement. Cela conduit la grande majorité des pays en développement à adopter un comportement absurde. En effet, bien que les pays en développement, - principalement les exportateurs de matières premières et
Le second dogme est celui du libre échange et de la libre circulation des capitaux, des biens et des services. Cette liberté de circulation ne s’applique pas dans les pays les plus industrialisés aux travailleurs et aux personnes en général ce qui est en contradiction complète avec la théorie néolibérale. En effet, il faut rappeler qu’Adam Smith, référence des néolibéraux, était lui, en faveur de la liberté de circulation et d’établissement des travailleurs.
Le troisième dogme complètement en contradiction avec la réalité est l’idée selon laquelle donner aux pauvres un meilleur accès au marché permet de mettre fin à la pauvreté alors que l’éradication de la pauvreté est du ressort de l’Etat par la mise en œuvre de changements structurels mettant fin à l’injustice sociale.
Le rôle néfaste des politiques macro-économiques connues comme le consensus de Washington a été mis en lumière à de nombreuses reprises au cours des 20 dernières années.
Un exemple : la crise alimentaire de 2007-2008
En 2007-2008, le nombre de personnes souffrant de la faim a augmenté de 140 millions. Cette augmentation a été le résultat d’une forte hausse des prix des denrées alimentaires [4]. Dans beaucoup de pays en développement, cette augmentation du prix des aliments au détail a atteint 50%.
Pourquoi cette augmentation ?
D’une part les pouvoirs publics du Nord ont augmenté leurs aides et leurs subventions aux agrocarburants (mal nommés biocarburants alors qu’ils n’ont rien de bio, rien d’ « écologique »). Il est ainsi devenu tout à coup rentable de remplacer des cultures destinées à l’alimentation humaine par des cultures de fourrage et d’oléagineux ou de détourner une partie de la récolte de grains (mais, blé…) vers la production d’agrocarburants. Il en a résulté une réduction de l’offre d’aliments sur le marché mondial et de ce fait une augmentation des prix au niveau mondial.
D’autre part, depuis l’éclatement de la bulle immobilière en 2007 aux Etats-Unis et par ricochet au reste du monde, la spéculation des grands investisseurs (fonds de pension, banques d’investissement, hedge funds…) s’est déplacée vers les marchés où se négocient les contrats des denrées alimentaires de base – en particulier 3 bourses américaines spécialisées dans le marché à terme de grains : Chicago, Kansas City et Minneapolis-.
Les pays en développement – du fait des politiques imposées par le FMI et
Selon
Après avoir rapidement analysé les causes de la crise alimentaire de 2007-2008, il est pertinent de citer Fantu Cheru, expert indépendant de
« L’ajustement structurel va au-delà de la simple imposition d’une série de politiques macro-économiques au niveau national. Il s’agit d’un projet politique, une stratégie de transformation consciente de transformation sociale au niveau mondial pour façonner le monde selon les desideratas des entreprises transnationales. Les programme d’ajustement structurel servent donc de « courroies de transmission » pour faciliter le processus de mondialisation par la libéralisation et la déréglementation et en réduisant la fonction de l’Etat dans le développement national. » [6]
III. Il ne faut pas croire que ces politiques ont été abandonnées. Même si
IV. La crise économico-financière internationale de 2007 est-elle derrière nous ?
Il y a trois facteurs qui allègent le poids de la crise pour les Pays en développement. Ces trois facteurs qui peuvent se dégrader rapidement sont : 1. les prix élevés des matières premières (d’où découle le haut niveau des réserves internationales) ; 2. de bas taux d’intérêt et des primes de risque pays également basses ; 3. des flux de capitaux vers les bourses des pays émergents.
Lorsque les banques centrales des principaux pays industrialisés (Réserve fédérale des Etats-Unis, Banque centrale européenne, Banque d’Angleterre, Banque du Japon) décideront d’augmenter les taux d’intérêt, cela fera brutalement augmenter le coût de refinancement de la dette externe des pays en développement et les prix des matières premières pourraient chuter car le prix est aujourd’hui dépendant de l’immense liquidité monétaire internationale et de la spéculation. De plus, si l’économie chinoise entre en crise, cela pourrait également produire une chute des prix des matières premières.
V. Il est nécessaire de revenir aux recommandations contenues dans
Il est nécessaire d’agir tant au niveau de
L’article 1 de
1.2. « Le droit humain au développement implique également la pleine réalisation du droit des peuples à l’auto-détermination qui inclut selon les dispositions relatives aux deux Pactes internationaux sur les droits humains, l’exercice de leur droit inaliénable à la pleine souveraineté sur toutes leurs richesses et ressources naturelles ».
L’article 8 précise « Il faut réaliser les réformes économiques et sociales adéquates afin d’éradiquer toutes les injustices sociales ».
VI. Recommandations ou alternatives concrètes qui peuvent être mises en place soit par la communauté internationale soit par les Etats souverains.
Les taxes globales : un exemple de celles-ci serait la taxe de type Tobin (sur les transactions financières).
Augmenter l’aide au développement pour atteindre 0,7% du PIB des pays les plus industrialisés (en 2010, les pays de l’OCDE y dédie 0,35% soit la moitié de leur engagement ; il s’agit de plus d’un chiffre très surévalué) et la convertir en un fonds de réparation pour les dommages causés aux peuples du Sud pendant les 5 derniers siècles de pillage et de domination de la part des puissances du Nord.
Adopter une nouvelle discipline financière en interdisant les transactions avec les paradis fiscaux.
Appliquer dans chaque pays une réforme fiscale redistributive.
Rendre aux peuples du Sud les biens mal acquis par les élites dominantes de ces pays qui les ont placés dans les pays du Nord et les paradis fiscaux.
Réduire drastiquement les dépenses d’armement et investir les sommes épargnées dans des politiques sociales.
Réaliser des audits de la dette publique pour déterminer la partie illégitime et l’annuler ou la répudier.
Se doter de nouvelles institutions au niveau régional : l’exemple de
Il est de plus nécessaire de remplacer les institutions comme
Récupérer le contrôle sur les ressources naturelles
Réaliser une réforme agraire en distribuant les terres à celles et ceux qui les travaillent et en garantissant la souveraineté alimentaire.
La crise climatique en cours affecte et affectera tous les peuples mais spécialement ceux du Sud de la planète. Il faut s’inspirer des conclusions du sommet des peuples sur le changement climatique qui s’est tenu à Cochabamba en avril 2010 à l’initiative du gouvernement bolivien.
Oui il est possible d’éradiquer la pauvreté et l’injustice mais à l’intérieur d’un nouvel ordre international et avec un autre modèle de développement respectueux de la nature.
New York, le 15 septembre 2010
Eric Toussaint
Notes
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